Amie Barouh défend un documentaire expérimental s’attachant à donner la parole à des personnes évoluant dans les marges à l’instar de la communauté Rom. Son travail relève ouvertement d’un journal filmé et s’inscrit dans l’idée que tout savoir est situé, que tout cinéma, aussi informatif soit-il, est forcément subjectif. Motivés plus par des affinités que par une volonté dogmatique de « faire cinéma », les films d’Amie Barouh, entre documentaires et essais visuels, visent avant tout à transmettre une expérience, prise comme telle, et partent souvent d’un événement marquant la vie de l’artiste, à l’instar d’une rencontre.
Amie Barouh ne se contente pas d’observer ceux et celles qu’elle filme. Elle vit ou a tissé un lien particulier avec eux·elles. Mue par la curiosité et l’envie de rencontrer des membres de la communauté Rom, l’artiste se fait « adopter » par une famille et intégre leur camp en banlieue parisienne. C’est en vivant avec eux, et après 2 ans de vie commune, qu’elle commence à les filmer.
Ne cherchant pas à masquer les marques d’expression subjectives, les vidéos d’Amie Barouh rompent complètement avec l’illusion d’objectivité documentaire. L’artiste met non seulement en jeu son histoire personnelle, mais aussi son corps dans la matière de ses documentaires. C’est particulièrement le cas dans Je peux changer mais pas à 100%, une œuvre qui retrace sa relation amoureuse échouée avec Bobby, un Rom roumain consommateur de crack et vivant dans la rue de menus larcins.
Les films d’Amie Barouh sont toujours tendus par la recherche d’une juste proximité avec les personnes dont elle capture l’image. La « bonne » distance reste cependant toujours instable pour le plus grand plaisir du spectateur. La caméra, troisième œil et troisième bras de l’artiste, négocie en temps réel la nature des relations qu’elle – en tant que documentariste mais avant tout en tant que personne – entretient avec ses sujets. La mise en scène et le montage subjectif épousent ses élans du cœur, d’où le caractère tantôt impressionniste, tantôt réaliste des images, restituant toute la complexité à documenter des mondes auxquels on n’appartient pas.
Julie Ackermann
« Je peux changer mais pas à 100% » a été sélectionné en compétition internationale Moyens et courts métrages à Visions du Réel en 2019, ainsi qu’au Festival International du Documentaire Émergent à Paris en 2020 ; il a reçu le Prix du Centre Pompidou en février 2021 dans le cadre de SI CINÉMA, Festival international des cinémas en écoles d’art et il est en cours d’acquisition par la FRAC.
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